Cet article évoquera les Porsche jusqu’à la 968.
1. Débuts troublesIl faut partir de Ferdinand Porsche pour comprendre d’où vient la firme.
Le Professeur Porsche est alors directeur technique de Mercedes-Benz, division automobile du groupe Daimler, firme qui est un des fournisseurs officiels du 3è Reich.
Adolf Hitler demande à Porsche (qui n’est alors qu’un nom) de concevoir la voiture du
peuple. Elle devra être économique et fiable : transporter 4 personnes à 100km/h en
consommant moins de 8l aux 100 tout en coûtant moins de 1000DM.
C’est ainsi que naquit la Voiture du Peuple, Volkswagen en allemand. Une version militaire
est produite, la Kubelwagen, qui réapparaîtra dans une version à peine modernisée en 1968 sous le nom de « type 162 » dans la même catégorie que la Méhari de Citroën.
Viendra également une version amphibie de cette voiture sans nom, qu’on n’appelle pas encore Coccinelle, la Schwimmwagen.
La production commence à Stuttgart avant que la première pierre de l’usine VW ne soit posée par Hitler lui-même à Wolfsburg, en 1941.
Le Professeur Porsche est ensuite capturé et emprisonné par les alliés. Il devra entre autres travailler sur ce qui deviendra la 4CV Renault.
2. L’époque des pionniers1950. C’est Ferry Porsche, ou plutôt le Docteur, Ingénieur Ferry Porsche, qui dirige sa petite société, la Dr. Ing. F. Porsche, AG. On est déjà à Zuffenhausen, dans la banlieue de Stuttgart, après un court passage à Gmund.
L’usine est la « Werk 1 » VW. Subsiste encore aujourd’hui la guérite du gardien, à côté du
portail, alors que l’inscription « Freude durch Kraft » (« La joie à travers la force ») au-dessus du portail a été enlevée depuis longtemps.
356 (A, B, C) :L’unique modèle de la firme est un dérivé sportif de la VW, la 356. Par rapport au modèle
présenté en 1948, le châssis tubulaire a disparu, et la filiation est évidente. Le moteur
1100cm3, un peu gonflé, affiche gentiment 40 chevaux.
La 356 connaîtra un certain succès, et fera connaître la firme aux Etats-Unis (qui est depuis lors son premier marché d’exportation). Déclinée rapidement en 1300 et en 1500, puis 1600, la puissance culminera à 115ch.
Spyder 550 :En 1953 apparaît le 550 Spyder. Pourquoi 550 ? Parce qu’il s’agit du projet numéro 550, et que la voiture pèse tout juste 550kg. Inspirée de la 356, c’est un spyder doté d’une structure aluminium pour gagner un maximum de poids.
Le moteur est dans les grandes lignes similaire à celui de la 356 : c’est un flat-four. Point
barre.
Le moteur de la 550, type 547 « Carrera » (en référence à la Carrera Panamerica) est l’oeuvre du Docteur Ernst Fuhrman. C’est un 1500cm3, dont l’entraxe de cylindres est de 122mm (le moteur VW ne disposant que de 102mm). Il est bien sûr refroidi par air.
Particularité : il dispose d’arbres à cames en tête. Or, les solutions pour entraîner un tel
dispositif sont peu nombreuses : chaîne (jugée trop peu fiable), cascade de pignons (trop lourd et trop compliqué – surtout que l’on parle d’un flat, donc fois deux) ou couples coniques. C’est cette solution qui est retenue. Fiable mais cauchemardesque, puisqu’il faut entre 8 et 16h aux mécaniciens de l’usine pour caler les moteurs.
Ce moteur (que certains appellent « Moteur Fuhrman ») sera vite porté à 2L de cylindrée
(force est de constater qu’il y avait de la marge en alésage) pour atteindre 130ch.
James Dean fera de la compétition avec un 550. Cette voiture sera même son tombeau (j’en profite pour tordre le cou à des rumeurs disant qu’il s’agissait d’une 356). S’il avait attendu une dizaine d’années, il se serait probablement tué avec une 911.
La version la plus puissante de la 356 disposera de ce moteur, la 2000 GS Carrera. 2000 pour la cylindrée (approximative), Carrera en rapport avec la Carrera Panamerica, à laquelle Porsche participera avec des 356 et 550. D’ailleurs c’est sur cette course que paraîtra la première boîte de vitesses synchronisée Porsche (à l’état de prototype), aux mains de l’ingénieur-pilote d’essais (essayez de trouver ça de nos jours !) Herbert Linge.
3. Années 60 : prudente montée en puissanceLa 901 est à l’étude depuis 1959 sous le nom de Type 7. Le cahier des charges est clair : la voiture doit proposer plus d’empattement que la 356 mais pas plus de longueur, disposer d’un dessin et donc d’une aérodynamique fluide.
Le style (de Ferdinand-Alexander « Butzi » Porsche, le styliste de la famille et fils de Ferry) est défini. On envisage un temps l’utilisation du moteur Fuhrman, mais il apparaît bien trop capricieux pour ce qui doit être un coupé 2+2 typé GT. On opte donc pour la même cylindrée (2L) et la même puissance (130ch) mais en 6 cylindres, toujours à plat et toujours refroidi par air.
Présentée au salon de Francfort en 1963, le nom a dû être changé en 911 sous la pression de Peugeot (alors détenteur de tous les numéros à 3 chiffres avec zéro central, chose inapplicable aux USA par exemple). Le nom « technique » ne change pas, et le type Mines sera toujours 901.
Peu sûr du succès de la 911, Porsche lance une ultime évolution de la 356, la SC, on ne sait jamais.
La nouvelle 911 se décline en trois modèles, la T, la E et la S. La S est la plus puissante, la
plus sportive et la plus chère aussi (logique).
Il en existe une version économique, qui consiste en une 911 à moteur 356 : la 912. Flat four 1600 de la Super90. Elle est peu répandue.
1967 : la 911 de base passe à 130ch, 160 pour la S. La Targa apparaît.
1969 : la 911 évolue en 2.2L, disponible avec une injection Bosch.
1970 : lancement de la 914. J’y reviendrai plus loin.
1972 : Passage à 2.4 et 190 ch sur la S. Il se dit que c’est cette S 2.4 qui inspirera la prochaine
venue et mythique :
1973 : 2.7 RS.
La 911 RS2.7l, 210ch. Ca, c’est ce que tout le monde sait. La RS (Renn-Sport) est une petite synthèse dusavoir-faire de Porsche. La « queue de canard » n’est pas anodine. En effet, elle a pour but de déporter l’air et d’en diminuer l’appui sur l’arrière. Les ingénieurs Porsche avaient remarqué qu’à plus de 220km/h, l’appui de l’air pouvait dépasser les 140kg, ce qui pénalisait à la fois les performances aérodynamiques et la tenue de cap de l’auto.
Disponible en deux versions, Touring et Lightweight. Si la Touring est proche de la 911S
habituelle, la Lightweight est moins confortable : stricte 2 places, et est clairement conçue pour la compétition Le poids a été réduit partout par la suppression d’accessoires, l’utilisation de tôles plus fines à certains endroits et de vitrages plexiglas.
C’est à l’époque, et pendant longtemps, une des voitures de sport les plus radicales jamais produites. Surtout, elle reste utilisable au quotidien.
Il en sera dérivé une version RSR spécifique compétition, qui s’illustrera par exemple à
Daytona. De même, il existera une version turbo qui finira 2è au Mans, dans une livrée 2.2L 500ch, ce qui nous amène à la 930 turbo.
1975 : 911 turbo (930)On arrive à la deuxième génération de 911, le type 930. Les trains roulants sont revus,
l’esthétique change peu. La tête de pont de cette gamme est la Turbo, une machine brutale, avec ses 3L et 260ch (343Nm de couple). Si la boîte est une 4 vitesses renforcée (une boîte 5 standard n’aurait pas tenu le choc), la bête vous emmène quand même à plus de 250km/h en passant le 0 à 100km/h en 5.5s.
Le turbocompresseur est un KKK, sa pression étant de 0.8 bar. L’injection Bosch K-Jetronic (commande d’ouverture des injecteurs continue, gestion électronique de la marche à froid et injection mécanique), gave la bête avec deux pompes à essence.
L’aileron arrière est différent de celui de la RS : sa dénomination officielle « queue de
baleine » est parfois remplacée par celle de « pelle à tarte ». Il permet un délestage de l’AR à haute vitesse (insuffisant d’ailleurs) et comporte une large grille pour aider au refroidissement du moteur (qui est toujours à air).
Une version compétition de la 930 est la 935. Elle offre une puissance de 600ch en moyenne, toujours au travers d’une boîte 4. Elle remportera Le Mans en 1976 et 1977, avant qu’une version encore plus bestiale, la 935 « Moby Dick », monumentale, remportera celle de 1979 (2è en 1978) avec son gros flat 6 3.2L et 750ch (1978 lui ayant échappé). Depuis toujours ou presque, Le Mans est la course fétiche de Porsche, qu’elle s’efforcera de remporter à chaque fois qu’elle est présente.
Esthétiquement, les 935 sont proches des 911 au niveau de la cellule centrale. Pour des
raisons d’aérodynamique, les phares sont dans le bouclier et le capot est plat. C’est l’origine des fameuses « Flat nose ».
En haut, une 935. En bas, une 935/78 « Moby Dick ». Prosternez-vous devant le monstre, elle ne fait pas de cadeaux !
Une évolution de la 930 sortira pour l’AM 1978, la cylindrée passant à 3.3L et la puissance à 300ch.
Il existera des évolutions en atmosphérique (3.0 Carrera) puis 3.2.
Retour à 1970 : la 914, vilain petit canard.Cherchant à revenir sur un marché un peu plus économique (grosso modo celui de la 356),
laissé de côté par la 911 beaucoup plus chère, et d’un autre côté voulant remplacer la
Karmann-Ghia vieillissante par un modèle peu coûteux, Porsche et VW concluent des accords pour un nouveau modèle. Ce sera la 914.
Ce coupé targa strict deux places, moteur AR ne connaîtra pas un grand succès en Europe, un peu plus aux US. Disponible avec un flat-four 1.6l à air de 80ch (914/4) ou flat-six (914/6) 2l 110ch (le flat six n’est autre que le premier moteur de la 911 avec des carburateurs).
Le modèle 6 cylindres est trop cher, il se vend mal. On le remplace dès 1973 par un flat four 2l dérivé du 1.7. On lui met l’injection et on a 100ch sous le pied. Rien de bien follichon au programme de ce petit coupé pourtant sympathique, qui ne sera plus disponible à partir de 1976 en Europe.
1976 : la 924.On prend les mêmes et on recommence. Porsche a besoin d’un modèle économique pour son bas de gamme, VW d’un coupé pour assurer son avenir. A Wolfsburg, les affaires ne vont pas pour le mieux, et si la Coccinelle s’en tire bien, elle ne peut être porteuse d’avenir. VW demande donc à Porsche de lui concevoir un coupé sportif mais relativement économique.
Porsche tape donc dans la banque d’organes de VW pour lui faire un bitsa qui néanmoins,
tiendra la route. Par exemple, on trouve un moteur dérivé de la Passat, des poignées de porte de Golf et un pont de LT3 (un utilitaire, à la base).
Volkswagen jette l’éponge et préfère ne pas donner suite au développement du projet.
Porsche, qui y croit, rachète les parts de VW dans le projet et le continue. Le résultat sera la 924 (qui sera la première Porsche à moteur avant).
La motorisation de départ (2l, 125ch) sera vite suppléée par une version turbocompressée proposant 177 ch.
En 1981, Porsche produira une version assez exclusive, la Carrera GT (déjà), sur le même 2L turbo retravaillé, sortant 210ch et capable de 240km/h en pointe.
C’est cette même année qu’une 924 Carrera GTR sera engagée au Mans et finira 11è au
général (victoire de classe).
En 1984 sortira la 924S, équipée du 2.5l de la 944 légèrement modifié.
1978 : vers l’avenir et le moteur avant (suite)On commence à douter de la culture monotype qui a envahi Porsche. On doute aussi de
l’avenir du moteur arrière. Ainsi, sous l’impulsion du directeur de Porsche, Ernst Fuhrman (le concepteur du moteur 547), on étudie dès 1971 un coupé à moteur avant, rompant fatalement avec la 911. Le résultat est disponible dès 1978 sous le nom de 928.
Le moteur est un V8 refroidi par eau, logé à l’avant. La boîte de vitesses est sur l’essieu AR (qui est également moteur), un arbre tournant à la vitesse du vilebrequin reliant les deux. Ce système s’appelle « transaxle ». Le train arrière est du type multibras à déformation programmée, une première sur une automobile de grande série.
Ce V8 développera la puissance de 240ch, à peine moins que la 911 turbo. Elle sera la
première (et la seule à ce jour) GT à être élue voiture de l’année.
La voiture évoluera jusqu’en 1992. La 928, dans sa version GTS, cubera 5,4L pour 350ch, pour une fin de production en 1995.
1981 Encore un moteur avantLa 944 reprend la 924 qu’elle entend remplacer à terme. Elle dispose d’un moteur avant 4
cylindres, du châssis de la 924 modifié au niveau des suspensions et du freinage. Le moteur, plus ou moins d’origine VW, reprend un certain nombre de pièces au haut-moteur de la 928.
Son moteur 2.5l fournit 163ch, puissance qui progressera jusqu’à 190ch (944S) en 1986
pendant qu’une version turbo, équipée du même 2.5l, proposera 220ch (250 sur la Turbo S).
Une ultime version atmosphérique S2 en 1989 pousse le 4 cylindres à 3l (2990cm3
précisément) à 211ch. Ce moteur animera également le modèle suivant, la 968.